vendredi 17 décembre 2010

mardi 7 décembre 2010

Le corps des dieux - Les figures d'Orphée et de Jésus chez Novalis


Laurent MARGANTIN

Wer wandelt nicht gern im Zwielichte,
wenn die Nacht am Lichte und das
Licht an der Nacht in hohere Schatten
und Farben zerbricht.

Orphée et Jésus

Avant Sophie, avant Henri d'Ofterdingen, avant le maître de Sais, il y a Orphée et Jésus. Deux figures, deux traditions opposées mais qui coexistent dans l'esprit de Novalis, comme coexistent, dans la culture allemande, deux origines, la Grèce et la Palestine, deux cultes, le paganisme et le christianisme, deux âges, l'Antiquité et la Chrétienté. Et surtout : d'un côté, la multiplicité des dieux et le métissage quasi naturel des hommes et des dieux; de l'autre, l'unicité d'un homme-dieu, et la difficulté des liens entre la terre et le Ciel. L'histoire de Jésus et le mythe d'Orphée sont les sujets de deux poèmes de jeunesse de Novalis, fragments d'épopées écrits sous l'influence de la poésie bucolique telle qu'on l'écrivait au dix-huitième siècle. Outre Klopstock, Wieland, Biirger, les maîtres s'appelaient aussi Homère, Virgile, Le Tasse, l'Arioste, Milton, Glover2. Dans cette tradition, Orphée chante au cœur du divers pour célébrer les dieux et enchanter les êtres vivants, les pierres, les éléments et la création tout entière. On retrouve certains de ses traits chez Dionysos, dieu du multiple, de l'ivresse naturelle, et qui périt enfin, lui aussi, d'avoir trop célébré le paganisme3. Bonheur de la danse, du jeu, de la santé sensuelle qui doit cependant laisser la place, dans l'espace de la religion, à l'ascèse et au culte de l'Un, du supra-sensible. Ce changement d'âge est un thème fondateur de la culture allemande classique, et réapparaît bien sûr, et avec quelle violence, chez Nietzsche. En effet, ce qui succède au chant d'Orphée, c'est la parole de Jésus, et l'éthique.
Le fils de Dieu sauve l'humanité de la mort, et promet une résurrection, quand Orphée et Dionysos ne promettaient qu'expérience harmonieuse, et la plus étendue possible, de la finitude. Le Dieu chrétien s'incarne dans Jésus pour annoncer la possibilité d'un passage inverse du fini à l'infini, du corps à l'esprit. Le chant d'Orphée semblait tout offrir, unissant l'humain à la diversité du monde, mais il ne pouvait pas ceci : comme la parole et surtout l'existence de Jésus le démontrent, offrir la possibilité d'une délivrance, de la résurrection, du salut par la croyance en l'Un. Chantant la vie et la nature, Orphée est entraîné malgré lui dans la mort. Poussé par l'amour, il part à la recherche d'Eurydice, descend jusque dans l'Hadès, là où avant lui aucun mortel ne s'était risqué. Mais son désir se retourne contre lui et le tue. Au contraire, Jésus se détourne de l'existence, accepte le sacrifice, et ressuscite. Deux choix, deux chemins, deux mondes, et peut-être deux visions de l'amour. Orphée meurt puni d'avoir aimé le chant et la vie; Jésus ressuscite, récompensé d'avoir aimé l'Un et transmis le message divin. Orphée et la Naissance de Jésus ne sont que des ébauches, parmi les premiers essais littéraires (1789-90) de Novalis, et font partie de «cette masse d'esquisses, d'études, de fragments, de tendances, de ruines et de matériaux poétiques»4 qu'il a laissée derrière lui. Novalis choisit de raconter le mythe d'Orphée après avoir traduit les passages des Géorgiques de Virgile qui lui sont consacrés. Par le style et l'évocation d'u ne Grèce idyllique, pastorale, les fragments s'inscrivent dans un courant rococo allemand représenté par des poètes comme Biirger (le premier maître), et leurs vers sont sans grande originalité. Mais ce qui est très troublant toutefois dans le traitement du mythe d'Orphée par Novalis, c'est qu'il ne décrit pas la descente du musicien dans l'Hadès, et qu'il s'attache surtout à décrire le moment de la mort et de la séparation, moment brutal et inattendu, puisqu'il se produit dans un cadre paisible, l'Arcadie, et que c'est pendant son sommeil, dans une grotte où elle s'est abritée avec son époux, qu'Eurydice est mordue par une vipère. Après la disparition, Vénus annonce à Orphée désespéré, dans un rêve, les retrouvailles avec Eurydice, suite à sa propre descente dans les ténèbres. Et c'est dans l'attente qu'Orphée s'installe, sans que nous puissions savoir si oui ou non la femme qu'il aime revient réellement, le commencement du poème s' achevant à ce moment du récit. On le voit, Novalis choisit délibérément de ne pas traiter le passage le plus dramatique et le plus célèbre du mythe, et ne sachant peut-être comment poursuivre son épopée, il la laisse en suspens. Mais peut-être, au-delà de problèmes de composition, faut-il voir dans cette interruption le refus qui s'y exprime, sous-jacent dans toute l'œuvre du poète : celui de faire mourir Orphée, symbole du chant et de l'amour du monde5. Et aussi une volonté plus secrète, celle d'annoncer, par la résurrection d'Eurydice, le renouveau du chant orphique, - plus puissant encore. Eurydice meurt, comme mourra plus tard Sophie, mais ni le chanteur ni le poète ne meurent (bien qu'ils l'aient voulu), et tous deux par
viennent, sans plonger dans le gouffre, à ressusciter le chant en eux, après avoir retrouvé la femme aimée au bout de toute une série d'épreuves et d'efforts. Quant à Jésus, si Novalis n'évoque que sa naissance, on sait que pour lui, marqué par le piétisme, le chemin de Jésus jusqu'au tombeau est capital, parce que le tombeau est le lieu d'un passage à une vie supérieure. Ce n'est que dans les Hymnes à la nuit que l'épreuve de la mort christique est racontée, mais, comme nous le verrons,Les figures d'Orphée et de Jésus chez Novalis 7 sous le signe d'Orphée. Jésus descend dans le gouffre pour instruire l'homme d'une œuvre que l'humanité toute entière, enfin accordée, doit réaliser, et c'est l'amour de Dieu pour l'homme qui le conduit de la croix au sépulcre, puis de nouveau au Ciel. Dans le poème écrit par le jeune Novalis, Jésus risque le pas en avant dans la nuit de la terre, parce qu'il ne s'agit pas, pour lui, à la différence d'Orphée, d'effectuer une plongée définitive dans le non-sens, mais d'un moment décisif de la démonstration qu'il désire accomplir, moment qui précède la révélation du sens de son geste. Ce n'est que par cette épreuve de l'abîme qu'il peut espérer convaincre les hommes que, s'ils écoutent son message et vivent selon la foi chrétienne, ils seront sauvés. Orphée attend le retour d'Eurydice qui ne reviendra peut-être, comme dans le livret d'opéra écrit par Victor Segalen pour Debussy plus d'un siècle plus tard6, qu'au travers du renouveau lyrique de son amant. Jésus le médiateur, lui, affronte la mort, et accomplit le retour de l'Esprit en lui-même. Mais serait-il possible d'imaginer un Orphée qui ne serait pas puni d'avoir chanté, et qui sans rester à attendre - trop long temps — le retour d'Eurydice, irait dans l'Hadès, y mourrait pour renaître tout aussitôt, annonçant aux hommes un nouvel âge lyrique? Ou bien d'imaginer un Jésus qui, au lieu de disparaître comme créature, resterait parmi les hommes pour que l'idée de justice ne s'impose plus comme une tâche à réaliser? Peut-on rêver d'un Orphée chrétien ?


Corps de l'esprit

II est difficile de trouver un commencement et une fin à cette histoire, au fond sans cesse reprise par Novalis, du retour d'Orphée et de la résurrection de Jésus, sans doute parce que, pour lui déjà, il n'y a pas un seul fil de l'histoire, mais différents fils mêlés et qui paraissent inextricables. Combien de voix ont chanté Orphée, et combien, plus nombreuses encore, ont interprété le message christique ! Toutefois, Fabel, dans le conte de Klingsohr, ne dit- il pas qu'il est possible de tresser un seul fil à partir de la diversité ? Ich spinne eure Fäden / In Einen Faden ein ; / Aus ist die Zeit der Fehden. /Ein Leben sollt'ihr seyn, annonce-t-il vers la fin du Märchen, confiant dans ses dons de tisseur 7. Événement majeur, on le sait, que le sentiment de l'absence des dieux. Novalis comme Hölderlin a lu le poème de Schiller, Die Götter Griechenlandes 8, paru en 1788 dans la revue de Wieland, Der Teutsche Merkur 9. Alors, au temps des dieux, «tout était, aux regards initiés, signe d'un dieu» (Alles wies den eingeweyhten Blicken / alles eines Gottes Spur 10). Par leur présence non seulement naturelle, mais musicale, verbale, architecturale, les divinités multiples peuplaient le monde, si bien que «le
Créateur était plus proche du plaisir qui coulait dans la poitrine de la créature» (... näher war der Schöpfer dem Vergnügen, / das im Busen des Geschöpfes floss 11). Le paganisme assurait cette présence physique, charnelle des dieux, ceux-ci n'hésitant pas à prendre figure humaine ou animale — on pense à Zeus se transformant en cygne pour approcher Léda -, et, de cette façon, à se révéler comme «corps du sens». Ils étaient là au quotidien, mélanges singuliers de corps désirant et d'esprit régissant le monde, et leur présence était à la fois crainte et aimée. Des temples partout leur étaient dédiés, des statues les représentaient, des fêtes les célébraient, les jours étaient rythmés par leur souffle et la terre habitée par la diversité de leurs corps, la richesse de leur sens. Schiller écrit : Da die Götter menschlicher noch waren, / waren Menschen göttlicher12 Les dieux partis, l'homme dut renoncer à sa part divine. Commença alors l'âge des idées désincarnées et de la chair déspiritualisée, thème que reprendra Schiller dans ses essais des années ultérieures, au fondement de sa conception de la sittliche Grazie. En cet âge, le poète seul a le pouvoir de réconcilier les sens et l'esprit que l'entendement a séparés. Mais faut-il entendre là, seulement, une critique de l'Aufklärung ? En réalité, le retrait et finalement la mort des dieux se sont produits bien avant l'Aufklärung, et celle-ci n'a pu commencer qu'après une série d'événements antérieurs qui permirent la déliaison de l'homme et de ses idoles. Mais malgré les interrogations qui les rapprochent, Schiller et Novalis racontent différemment l'histoire - complexe - de la disparition des dieux. Pour le premier, c'est le surgissement du monothéisme qui provoque l'achèvement de l'immanence divine, et signe la fin de la religion. Le dieu un, en s'éloignant de la terre, empêche tout contact direct, charnel, de l'homme avec lui. L'âge de la médiation commence, mais d'une médiation obscure, puisqu'elle impose de passer par la vision d'un corps mort, celui du Christ, pour nous approcher de Dieu. Avec le christianisme, c'est à la «mort en quelque sorte physique des dieux» 13 que nous assistons, et qui fait du dieu-un une image absolument isolée, hors-monde :
Sans compagnon, sans frère, sans semblable, sans déesse et sans fils terrestre, un Autre règne dans l'empire de l'éther, sur le trône renversé de Saturne. Et couronné avant qu'aucun ne l'ait acclamé, couronné dans l'Elysée dépeuplé, il contemple seulement, pour l'éternité, parcourant le long flot du Temps - sa propre image 14.
Novalis écrit en revanche une autre histoire, non sans avoir médité celle composée par son maître. Pour lui, c'est un événement interne à l'histoire du christianisme qui est destructeur du lien de l'homme avec son dieu, et ce bien avant les Lumières qui n'en sont que l'ultime conséquence dans l'ordre du politique. Cet événement, c'est la Réforme, telle qu'elle est évoquée dans La Chrétienté ou Europe et dans diverses notes laissées par le poète. Avec Luther, «c'en fut fini de la Chrétienté» 15 : la religion s'impose comme une simple affaire terrestre, une question de pouvoir entre les hommes, et l'irrévérence à l'égard de toute instance supérieure, symbole de la divinité sur la terre, est légitimée. Dieu disparaît définitivement du regard des hommes, et ce
qui prend sa place, c'est le sujet moderne s'autofondant comme puissance apte à régner sur le monde 16. Auparavant, la force, le pouvoir étaient concentrés en un point, au-delà du réel; à présent, force et pouvoir s'éparpillent à travers le monde contingent des mortels, - l'âge des révolutions permanentes commence. Pour cette raison, la Révolution française n'est que le dernier acte de la grande tragédie que constitue le retrait des dieux, elle qui donne tout le pouvoir à l'individu. La question du pouvoir est évidemment fondamentale ici, mais ce vers quoi nous voulons diriger notre attention, c'est vers la disparition des dieux comme corps. Leur pouvoir spirituel s'écroule en effet faute d'avoir un corps parmi les mortels. Ils ne parlent plus, n'ordonnent plus, ne jouissent plus, n'apparaissent plus. C'est le règne de la lettre, dit Novalis, de la Bible comme texte à déchiffrer. «Autrefois, lit-on dans les Fragments logologiques, tout était manifestation de l'Esprit. Désormais, nous ne voyons rien d'autre que morte répétition, que nous ne comprenons pas. Le sens du hiéroglyphe manque. Nous vivons encore du fruit de meilleures époques» lv. Ou bien : «Le temps n'est plus, où l'esprit de Dieu était compréhensible. Le sens du monde a disparu. Nous en sommes restés à la lettre» 18. C'est la jouissance du divin, qui se réa
lise par un toucher, par une sensation de sa substance, qui permet une jonction de la créature avec son créateur. Pas de rapport avec l'Esprit sans la présence effective d'une chair divine. Ce qui explique l'intérêt de Novalis pour le premier christianisme, c'est justement cette exigence primordiale de «vivre en Dieu», de sentir son souffle en soi, pensée et acte confondus. Les premières sectes religieuses de l'ère chrétienne - les gnostiques par exemple - sont en effet celles qui firent du lien charnel avec Dieu le fondement de leur liturgie. Dans son Essai d'une histoire pragmatique de la médecine, livre lu par Novalis 19, Kurt Sprengel présente quelques-unes de ces sectes, et leurs «superstitions». Il évoque également la Cabale, cette «théologie sensuelle» pour laquelle il existe un «effet direct de l'Être supérieur sur les changements du monde et
les mouvements des corps» 20. Selon cette croyance, le Sage est celui qui cherche à épouser la divinité : pour cela, des amulettes et des talismans pourront servir comme signes de sa présence physique, et seront des « médiateurs » 21 . La croyance en l'incarnation du Christ - et en son incarnation toujours réitérable - est donc un élément fondamental, central même, de la religiosité de Novalis. Cette présentation du principe divin dans une chair humaine ne peut être une donnée abstraite, figée, qui ne transmettrait, à travers la pure récitation des Évangiles, qu'un sens facile à déchiffrer. L'exigence d'un sens se confond avec l'exigence d'un corps. Ce qui conduit Novalis à s'écarter du protestantisme, comme on peut le constater dès les Fragments de Teplitz (été 1798) : «La religion catholique est bien plus visible — vivante et familière que la protestante, chez laquelle, mis à part les clochers d'église et les habits spirituels - qui sont déjà bien séculiers - on ne voit rien de tout cela» 22. C'est sans doute grâce à la lecture de certains passages du livre d'Edward Gibbon, Histoire du déclin et de la chute de l'Empire romain73, que ce point de vue s'est trouvé confirmé et renforcé dans l'esprit de Novalis. Gibbon décrit en effet comment les chrétiens introduisirent très tôt le culte des saints et des reliques, culte qui s'étendit du gouvernement de Constantin à la Réforme 24. Ce développement ne plaît guère à l'historien anglais, mais il reconnaît que la croyance dans les miracles et autres manifestation des Dieu ont eu pour effet de renforcer le sentiment religieux chez les fidèles. On retrouve au début de La Chrétienté ou Europe une évocation de cet âge d'or 25 du christianisme : Dans les églises étaient conservées avec reconnaissance, dans des coffrets splendides, les reliques d'hommes pieux d'autrefois. - Et à côté d'elles étaient révélées la bonté et la toute-puissance divines, l'immense bienfaisance de ces bienheureux dévots, à travers des miracles et des augures admirables. Ainsi les âmes aimantes gardaient des boucles ou quelques mots écrits de leurs amants défunts et nourrissaient leur douce ardeur jus qu'à la mort qui les réunissait à nouveau. On rassemblait partout avec une fervente attention ce qui avait appartenu à ces âmes aimées, et chacun se sentait heureux qui avait pu obtenir ou toucher une si consolante relique. Toujours la grâce céleste semblait être descendue de préférence vers une singulière image ou une tombe. - Alors des hommes avec de beaux présents affluaient de tous les horizons et ils remportaient avec eux les cadeaux célestes : paix de l'âme et santé du corps 26. À travers le culte des reliques, une autre conception de la religion est en jeu, celle qui accorde une place déterminante à l'expérience des sens comme rencontre avec le sens. Ira Kasperowski évoque justement le caractère naturel, pour les chrétiens, de cette expérience charnelle de l'Esprit, et cite Gibbon, qui écrit que pour les croyants de cette époque, un miracle n'était pas considéré comme une «anomalie en contradiction avec les lois connues de la nature» 27. La spiritualité s'accordait alors avec les données les plus élémentaires de l'existence qui, bien qu'élémentaires et quotidiennes, pouvaient être interprétées comme signes de la présence et de la volontés divines, «miracles». Ainsi, le «contenu insuffisant»28 de la Bible pouvait être complété, et peut-être enrichi, intensifié par la présence des choses les plus banales élevées au rang de mystères. Pour Paul Valéry, ce qui permit l'essor du christianisme dans les pays du pourtour méditerranéen, ce fut le choix du pain et du vin comme symboles spirituels, « nourritures si communes, si certaines, si représentatives de la nourriture essentielle » 29, et c'est cette conjonction d'une donnée matérielle et culturelle avec un sens spirituel qui donna une assise durable au dogme de la transsubstantiation. Au contraire, le protestantisme, n'accordant de valeur qu'à la lettre, appauvrit notre rapport au monde, méprisant le sens partout dispersé30, hors-livre, — le «sens sensualisé». Au-delà de la lecture de l'Écriture que Jakob Bôhme avait dénoncée lorsqu'elle était le fait des «grammairiens» et «aristotéliciens»31 figeant le sens du message religieux, il faut donc accéder à une révélation vivante de Dieu 32. Cependant, ne nous laissons pas abuser par les mots. Lorsque Novalis parle de catholicisme pour qualifier son projet de resensualisation du sens, il faut se demander si le catholicisme qu'il nous présente et nous propose est bien «orthodoxe», et s'il n'accomplit pas là une de ces opérations syncrétiques dont il a le secret. N'oublions pas en effet l'attachement certain de Novalis pour la tradition piétiste, et notamment pour l'un de ses esprits les plus indépendants, Zinzendorf, salué à plusieurs reprises 33, l'un des meilleurs représentants du syncrétisme religieux du dix-huitième siècle, lecteur de Bôhme, de Paracelse, des cabalistes, et de tous les «esprits marginaux» de la pensée chrétienne 34. Zinzendorf s'est beaucoup interrogé sur la «corporéité» (Leiblichkeit) du Christ. Pour une certaine tradition chrétienne (Pierre Deghaye évoque Origène), « la notion de corps est absolument incompatible avec la pureté de la nature divine»35. Au contraire, pour le fondateur de la communauté de Herrnhut, le Christ ne peut apparaître que dans un corps, qui doit être objet de vénération et d'amour. Sans la médiation corporelle du divin, le croyant risque de se perdre dans la contemplation de l'infini conçu comme un gouffre dévorant l'esprit limité de la créature. Toutefois, pour Oetinger comme pour Zinzendorf, il faut distinguer la chair et le corps. Le corps (Kôrper) est un principe spirituel, tandis que la chair (Fleisch) est mortelle et vile, «résidu impur de la véritable substance corporelle» 36. À cette dernière il est important de ne pas s'attacher afin de pouvoir se tourner vers le corps comme figuration physique de l'infini. La difficulté pour Zinzendorf consista à trouver une voie moyenne entre le refus de l'incarnation réelle du Christ et la vénération de son corps comme chair - vénération d ans laquelle on lui reprocha de sombrer. Certaines pratiques de Herrnhut effrayèrent en effet les contemporains, qui ne comprirent pas le sens liturgique accordé à celles-ci. Zinzendorf, par exemple, tint à ce qu'on vénérât la virilité du Christ, qui
ne pouvait être, à son sens, qu'objet de dévotion, puisque le plus mystérieux. Cette « corporéisation » du spirituel dans le christianisme allemand ne semble d'ailleurs pas être le seul fait de la théologie zinzendorfienne, que l'on ne peut ramener à une résurgence extravagante et locale du gnosticisme, — et mériterait d'être étudiée de près. Ainsi, il est intéressant de remarquer que Luther traduit le verset de l'Ancien Testa ment (Isaïe, LIII, 10) : «S'il offre sa vie en expiation, il verra une postérité» (verset dans lequel on a voulu voir une annonce du sacrifice de Jésus) comme suit : Wenn er sein Leben zum Schuldopfer gibt, so wird er Samen haben 37. Le sens spirituel, dans la traduction de Luther38, est transmis à travers l'image sexuelle de la «liqueur séminale», et confond l'Esprit saint avec la réalité corporelle du fils de Dieu qui est aussi fils de l'homme. Jésus est descendu sur la terre pour nous annoncer cette bonne nouvelle : «Tout est semence» 39, le corps est plein de l'esprit, la terre riche en sens mystérieux, et c'est la tâche du poète de le révéler, de le faire germer. Ainsi Novalis évoque-t-il
l'amitié comme dévoration du corps-esprit de l'autre, Zueignung à la fois physique et
spirituelle, en des termes clairement religieux : Dans l'amitié on mange véritablement de son ami, ou on subsiste grâce à lui. C'est un trope authentique, celui qui consiste à substituer l'esprit au corps [...]. L'assimilation corporelle est suffisamment mystérieuse pour être une belle image de l'appropriation spirituelle - et le sang et la chair sont-ils vraiment si dégoûtants et si bas ? En vérité ce sont plus qu'or et diamant, et le temps n'est plus loin où l'on aura des idées plus hautes du corps organique. [...] - ne pourrait-on maintenant penser que notre ami est une créature dont la chair est pain, et le sang vin ? 40 Mort et vie de l'esprit Le sens doit donc paraître dans une substance. Le sens est à construire, comme la substance est à engendrer. Mais les dieux grecs, qui furent chair pour exposer le divin aux yeux des mortels, ne se sont-ils pas trop réjouis d'avoir un corps? Ayant pris forme humaine, n'ont-ils pas fini par perdre leur nature divine? Pour les Grecs, on le sait, l'humanité doit s'éprouver comme finitude. L'hybris doit être dominé, et la créature tenue à distance de l'infini transcendant, qui la consumerait si elle s'y livrait. Mais si les hommes ne vénèrent plus que les divinités terrestres, ou bien même d'autres hommes comme Orphée, l'esprit, ayant perdu tout centre extra-mondain, ne va-t-il pas s'éteindre inexorablement? Peut-être les Grecs surent-ils donner un sens à la vie terrestre, mais leur «pensée de midi» (pour reprendre l'expression d'Albert Camus), ouverte à la clarté solaire, a laissé la mort advenir comme non-sens, elle qui, au-delà du cercle limité de l'existence ne peut être explorée. Jésus, au contraire, concilie fini et infini, vie et mort, corps et esprit, lumière et ténèbres, et contrebalance la pensée de midi avec ce qu'on pourrait appeler une pensée de minuit.
Il y va en effet, pour Novalis, que ce soit en religion, en philosophie, en politique ou en physique, d'un certain équilibre des forces. Le panthéiste dissipe ses forces spirituelles parce qu'il ne vénère que ce qu'il voit ou touche : la matière, de spirituelle,devient toujours plus grossière et lourde, et l'isole finalement du suprasensible. Quant au mystique, il se peut qu'il épuise toutes ses forces à s'unir avec Dieu sans médiation— et sombre dans le néant, incapable de présenter l' imprésentable. Dans le premier cas, l'esprit manque du fait d'une dépense excessive de force sensuelle. Dans le second, c'est l'inverse : l'esprit fait défaut suite à un excès d'abstraction.Toutefois, dans une époque où c'est la première tendance qui l'emporte, il est nécessaire, pour tenter de rétablir un équilibre, de se tourner vers l'invisible, et de faire le chemin inverse, de la terre au Ciel 41. C'est ce que fit le Christ, ouvrant la conscience à une série de mystères excitants pour l'esprit, et le soulageant de son angoisse face à la mort. Dans un ensemble de notes prises en lisant l'ouvrage de Gibbon, Novalis parle, à propos de Jésus, de «victoire du suprasensible (Sieg des Ûbersinnlichen)» 42. Aucun sage avant lui, qu'il fût Grec ou Romain, n'avait affirmé l'immortalité de l'âme en la démontrant, écrit Gibbon43, qui insiste également sur le fait que les Juifs de l'Ancien Testament ne semblent pas avoir fermement cru en celle-ci, et que les Pharisiens sont les premiers à en avoir fait le fondement de la religion chrétienne. Mais il ajoute aussitôt que cette «secte» n'apporta aucune preuve de l'immortalité de l'âme, preuve que Jésus fut le seul à apporter en ressuscitant 44. Novalis avait pu lire la même affirmation dans L'éducation du genre humain (1780) de Lessing : « Et ainsi le Christ fut le premier à enseigner pratiquement, de façon certaine, l'immortalité de l'âme» 45.
Le cinquième «hymne à la nuit»46 raconte ce passage de l'ancien au nouveau monde comme dépassement de la peur de la mort et ouverture à l'au-delà. D'abord, il semble que règne l'âge d'or évoqué par Schiller dans Die Götter Griechenlandes : la terre est la patrie des dieux, et dans chaque chose, plantes, animaux, hommes, vit la pensée divine. « Le vin était plus sucré, gorgé de verdeur claire - un dieu habitait les raisins — une déesse aimante et maternelle poussait dans les fortes gerbes dorées [...] — la vie bruissait animée par la fête éternelle et chatoyante des enfants du Ciel et des habitants de la terre, comme un printemps s 'étendant sur les siècles»47. Cependant, Novalis fait débuter le poème sur quelques lignes qui contrastent étrangement avec
cette fête célébrant les apparentes noces du Ciel et de la terre, et qui annoncent la fin imminente de l'âge d'or, - lignes rompant très nettement avec le ton et l'enseignement du vers de Schiller : «Sur les hommes dispersés à travers la terre entière régnait jadis un destin de fer, dont la contrainte était silencieuse. Un bandeau sombre et épais enserrait leur âme angoissée - la terre était illimitée - séjour et patrie des dieux» 48.
On le voit : Novalis dispose en arrière-plan de son évocation d'un paradis terrestre ressemblant à celui du poème de Schiller une toile crépusculaire et menaçante. Ou plutôt : il semble que le poème lui-même, célébrant la beauté de l'âge d'or païen, repose sur un socle ténébreux et tumultueux qui fragilise son existence : «Un vieux géant portait le monde spirituel. Solidement attachés sous les montagnes gisaient les fils originels de la Terre-Mère, eux qui étaient habités par la rage de détruire la race superbe des dieux nouveaux et leurs semblables, les hommes enjoués » 49. Peut-on reconnaître, dans ces Ursöhne de la terre, Hypnos et Thanatos, qui dans la mythologie grecque habitent tous deux l'Hadès et hantent les mortels pendant leur sommeil? N'est-ce pas la Mort qui, sous la forme d'un «rêve horrible», fait s'effondrer tout à coup l'empire des dieux solaires? Face à elle, les divinités grecques ne sont d'aucun secours, et l'abîme de l'Hadès s'ouvre, que le poème de Schiller voilait. Le pouvoir de la mort est immense, et les dieux du jour pures chimères qui permettent d'oublier, dans le vin, le chant et les joies du corps, la nuit du monde, terre sans fond, grundlos. Punis d'avoir ignoré Pluton, les hommes sombrent dans le temps, dans le temps de la mort, et les dieux dans le sommeil : La lumière cessa d'être le séjour et l'augure céleste des dieux - et ils se couvrirent du
voile de la nuit. La nuit se confondit avec les entrailles puissantes d'où jaillissent les révélations — en elles retournèrent les dieux - et ils s'endormirent pour en sortir un jour sous de nouvelles et splendides formes dans un monde métamorphosé 50. Celui qu'enfantent les dieux plongés dans les entrailles de la nuit, on le sait, est unique, parce qu'il dévoile le «sens de la mort» 51 : c'est le Christ. Il y eut l'âge de la lumière, séparée de la nuit. Or, il semblerait que commence maintenant l'âge de la nuit, refoulant la lumière. Inversion, renversement total donc. Dans cette perspective,
Nietzsche aurait raison : avec le christianisme, les valeurs vitales sont méprisées, et la mort est le seul salut comme négation de la vie. Mais il semble plutôt que chez Novalis la nuit surgisse, dans sa vérité, comme lumière. Cela n'a rien d'étonnant si on connaît la tradition théosophique selon laquelle les ténèbres ne sont pas une absence de lumière mais au contraire un excès de clarté ne pouvant que paraître obscur à l'œil ébloui de la créature, et le Fils le symbole de la coïncidentia oppositorum. Jésus, plus qu'une nouvelle époque où seraient opposées et séparées encore une fois - au bénéfice de la première - obscurité et lumière, annonce la fin des temps, le «Royaume de mille ans» où nuit et jour, vie et mort seront confondus, après une époque de transition— celle qui commence à la suite de son sacrifice. Avec la nuit christique est devenu possible un nouveau «service de la lumière»(Lichtdienst)52. En effet, pour le Christ, l'assurance de l'immortalité de l'âme dans le cœur du fidèle fait s'accroître son amour de la vie et sa santé physique. La nuit est au fond promesse de lumière, mais d'une lumière extrême, aveuglante, in- visible, que nous ne pouvons accueillir entièrement en ce monde-ci. Orphée ne s'y trompe pas, qui vient s'accorder au nouveau-né : «Venu d'un rivage lointain, né sous le ciel clair de l'Hellade, un chanteur arriva en Palestine et donna son cœur à l'enfant miraculeux» 53. Lui-même, dans le mythe, avait tenté d'accomplir par son chant l'harmonisation de l'homme avec l'univers, mais n'avait pas réussi à vaincre la mort : il devait donc exclure la nuit de son domaine, et périr finalement englouti par elle. Maintenant, le nouvel Orphée paraît, et prend un autre chemin, celui que lui indique le Sauveur. Il chantera la mort comme la vie, la nuit comme la lumière, et enchantera les mortels sans se détourner de l'invisible. Il part «plein de joie vers l'Indoustan - le cœur ivre de doux amour; et le répand en hymnes enflammés sous ce ciel clément, si bien que des milliers de cœurs se tournent vers lui, et que la Bonne Nouvelle grandit, faisant des branches innombrables» 54. C'est après son départ (bald nach des Sängers Abschied) que le Christ meurt sacrifié puis ressuscite, tandis que celui qui a accueilli le premier son message échappe maintenant à la mort et augmente le sentiment de vie chez les mortels, les débarrassant de leur crainte aliénante de l'au-delà. Curieuse rencontre en vérité que celle d' Orphée et Jésus dans le cinquième hymne, comme si un échange des plus mystérieux se produisait, sur lequel Novalis fonde son «catholicisme». Les deux figures ne se confondent pas, l'une ne disparaît pas au profit de l'autre, mais toutes deux s'imprègnent de la vérité opposée, et continuent leur chemin. L'un est terrestre, c'est celui d'Orphée qui intègre dans son chant l'esprit christique et part vers l'Orient. L'autre est céleste, c'est celui de Jésus qui semble de son côté avoir accueilli la sensualité orphique - il est le prêtre de l'amour -, et part dans la direction opposée, vers le Couchant. Entre eux, en Palestine, reste le « cadavre du monde ancien dans le sépulcre abandonné», dans le tombeau scellé de la mort vaincue55.


L'inversion et l'échange

Ainsi l'ancien, au contact du nouveau, ne périt pas, mais renaît. Et le nouveau doit mourir pour renaître ou naître véritablement. En lisant Gibbon, Novalis avait noté le phénomène étrange qui s'était produit lors de la rencontre à Rome des envahisseurs sur l'échelle spirituelle, le premier est du côté du pôle —, et le deuxième du côté du pôle + ; à l'inverse, sur l'échelle corporelle, Jésus est du côté du pôle -, et Orphée du côté du pôle +. Or, nous avons tenté de montrer le change — ou les changes — qu'opère le poète. Son Orphée n'est plus celui du mythe, ni son Jésus celui des Évangiles. Le Christ de la Bible peut être attaqué par Nietzsche parce qu'il symbolise (selon le
philosophe) le mépris de la chair et de la vie, mais pas celui des Hymnes à la nuit, qui doit se manifester comme corps par le chant du poète et du piétiste (Zinzendorf). D'autre part, pour que le corps manifeste l'esprit, il lui faut accueillir la pensée qui
l'élève jusqu'à Dieu : les Grecs doivent s'ouvrir à une pensée de minuit qui décentre
le culte des dieux solaires.
Pour Novalis, l'esprit doit s'incarner et le corps s'excarner, le jour s'obscurcir et la
nuit s'éclaircir, le christianisme se paganiser et le paganisme se christianiser, l'homme
devenir dieu et Dieu devenir homme. Mais le risque est que l'une des opérations soit
préférée (au profit de l'un ou l'autre pôle), et qu'ainsi, de nouveau, ressurgisse une
pensée unilatérale, sectaire, dogmatique, - le propre de l'homme peut-être. L'acte
d'inversion est qualifié de «romantique», et la pensée qui le fonde est baptisée «idéalisme magique » 63. Prisonniers d'une dualité originelle, nous pouvons la dépasser, si nous travaillons à
ce que Novalis appelle une Verklärung (transfiguration). Pour cela, il doit y avoir transfert, passage des forces spirituelles dans le corps, et des forces corporelles dans l'esprit. À vrai dire, cette Verklàrung a déjà commencé, puisque nous sommes mélange de corps et d'esprit, mais il faut la pousser plus loin, jusqu'à ce que nous ayons atteint un équilibre parfait - qui nous fait entrer dans ce que Novalis appelle le «Royaume de mille ans». «Un homme qui devient esprit est en même temps un esprit qui devient corps » M, peut-on lire dans les Cahiers de Freiberg, ou encore : «En tant que créature terrestre nous tendons vers une figuration spirituelle - c'est-à-dire vers un esprit. En tant que créature spirituelle, nous tendons vers une figuration terrestre - c'est-à-dire vers un corps»65.
Le Christ des Hymnes à la nuit réalise ces opérations d' inversion grâce auxquelles l'esprit devient corps et le corps esprit. Mais il n'est qu'au commencement d'une histoire, pour annoncer la fin des temps, et c'est aux hommes qui viennent après lui de devenir de véritables chrétiens en réalisant la Verklärung, impulsée encore par le désir orphique, - celui d'enchanter le monde.

(Tübingen)

source : Margantin Laurent. Le corps des dieux. Les figures d'Orphée et de Jésus chez. Novalis. In: Romantisme, 1999, n°103. Orphée. pp. 5-17

1 . Nous citons les oeuvres complètes de Novalis dans l'édition de référence : Richard Samuel, Hans-
Joachim Mâhl, Gerhard Schulz, Hrsg, Novalis-Schriften, Stuttgart, W. Kohlhammer, 1960-88 (5 tomes
parus). HKA = Historische Kritische Ausgabe, suivi du tome et de la page. Ici, HKA, I, p. 204.
2. Orpheus, HKA, I, p. 547-551. Voir le fragment La Naissance de Jésus, dans Margot Seidel, Die
geistlichen Lieder des Novalis und ihre Stellung zum Kirchenlied, Diss. Bonn, 1973, p. 317. Sur Orphée et
Jésus, voir Friedrich Strack, Im Schatten der Neugier. Christliche Tradition und kritische Philosophie im
Werk Friedrich von Hardenbergs, Tiibingen, Niemeyer, 1982, p. 271-281.
3. Henri Jeanmaire, Dionysos. Histoire du culte de Bacchus, Payot, 1951. Sur le retour de Dionysos
dans la culture allemande à la fin du dix-huitième siècle, voir Manfred Frank, Der kommende Gott. Vorlesungen
iiber die neue Mythologie, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 1982. Cependant, Dionysos n'est jamais
nommé par Novalis, et son histoire est absente de l'oeuvre du poète. Comme le montre Manfred Frank, il
est une figure importante chez Schelling, et dans le poème de Hôlderlin Brot und Wein.
4. Friedrich Schlegel, Fragments critiques, 4, dans Philippe Lacoue-Labarthe, J.-L. Nancy, L'absolu li
ttéraire. Théorie de la littérature du romantisme allemand, Seuil, 1978, p. 81.
5. C'est l'interprétation de Friedrich Strack, ouvr. cité.
6. Voir Orphée-Roi, dans Segalen et Debussy, éd. Le Domaine musical, 1962.
7. HKA, I, p. 302.
8. Voir Schillers Werke, Nationalausgabe, Band I, Gedichte in der Reihenfolge ihres Erscheinens
(1766-1799), herausgegeben von Julius Petersen und Friedrich BeiBner, Weimar, Hermann Bôhlaus Nachfolger,
1943, p. 190-195. Sur Schiller et la Grèce, voir Jacques Taminiaux, La nostalgie de la Grèce à l'au
be de l'idéalisme allemand. Kant et les Grecs dans l'itinéraire de Schiller, de Hôlderlin et de Hegel,
La Haye, Martinus Nijhoff, 1967, p. 1-32, 72-127.
9. Voir Klaus Manger, Wielands kulturelle Programmatik als Zeitschriftenherausgeber, in Friedrich
Strack (éd.), Evolution des Geistes : Jena um 1800 / Natur und Kunst, Philosophie und Wissenschaft im
Spannungsfeld der Geschichte, Stuttgart, Klett-Cotta, 1994, p. 294-305.
10. Schillers Werke, Band I, v. 15-16, p. 190. Ici et par la suite, nous traduisons de l'allemand tous les
extraits cités des oeuvres de Schiller et de Novalis.
11. Ibid., v. 83-84, p. 192.
12. Ibid., v. 191-192, p. 195.
13. Marcel Gauchet, Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion, Gallimard,
1985, p. il.
14. Schillers Werke, Band I, v. 177-184, p. 195.
15. HKA, III, p. 513.
16. Max Weber, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, Pion, 1964.
17. HKA, II, p. 545.
18. HKA, II, p. 594.
19. HKA, III, p. 266 et suiv., 274, 754, 907 et suiv.
20. Versuch einer pragmatischen Geschichte der Arzneykunde, Theil 1-3, Halle, 1792-94; Theil 4,
Halle, 1799. Ici, vol. 3, p. 254.
21. Sprengel, ibid., Theil 2, p. 129. Et HKA, III, p. 267.
22. HKA, II, p. 612. Le mot Kleidung est souligné, sans doute pour signaler que pour le protestant ce
n'est pas la chair qui est spiritualisée, mais la «surface», et même pas la peau, juste le vêtement cérémoniel.
Le sens spirituel n'est nullement substantialisé.
23. History of the Decline and Fall of the Roman Empire, Londres, 1776-1788.
24. Ira Kasperowski, Mittelalterrezeption im Werk des Novalis, Tubingen, Niemeyer, 1994, p. 107-132.
25. Voir Hans-Joachim Màhl, Die Idee des goldenen Zeitalters im Werk des Novalis : Studien zur
Wesensbestimmung der friihromantischen Utopie und zu ihren ideengeschichtlichen Voraussetzungen. Hei
delberg, Winter, 1965.
26. HKA, III, p. 508.
27. Voir Ira Kasperowski, ouvr. cité, p. 129.
28. HKA, III, p. 512.
29. OEuvres, t. 2, Gallimard, p. 614.
30. Voir Jean-Christophe Bailly, Le paradis du sens, Christian Bourgois, 1988.
31. Voir Alexandre Koyré, La philosophie de Jacob Boehme, 1929, p. 42-47.
32. La reprise de la parole de Saint Paul selon laquelle la lettre tue tandis que l'esprit vivifie était cou
rante à l'époque, notamment chez Fichte. Voir Jean-Louis Vieillard-Baron, Texte sacré et pédagogie de la
Parole chez Fichte, dans Archivio di filosofia, 1992, nos 1-3, p. 459-468, p. 463 en particulier.
33. Voir HKA, III, p. 513, 560; IV, p. 188.
34. Sans doute Novalis apprécia-t-il chez lui sa capacité à saisir la pureté de la source à travers la
diversité irréductible des doctrines. Voir à ce sujet la deuxième partie du livre de Pierre Deghaye, La doc
trine ésotérique de Zinzendorf, Klincksieck, 1969, p. 119-433. Sur les liens de Novalis avec la tradition piét
iste, voir Johann R. Thierstein, Novalis und der Pietismus, Berne, 1910. Sur le piétisme, voir Erich
Beyreuther, Geschichte des Pietismus, Stuttgart, J. F. Steinkopf Verlag, 1978 ; Heinrich Bornkamm, Mystik,
Spiritualismus und die Anfànge des Pietismus im Luthertum, GieBen, 1926; id., Pietistische Mittler zwischen
Jakob Bôhme und dem deutschen Idealismus, dans Der Pietismus in Gestalten und Wirkungen. Mart
in Schmidt zum 65.Geburtstag, hrsg. von Heinrich Bornkamm, Friedrich Heyer, Alfred Schindler,
Bielefeld, 1975 (Arbeiten zur Geschichte des Pietismus, Bd. 14); Martin Brecht (éd.), Geschichte des Pie
tismus, Gôttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1993 ; Albrecht Ritschl, Geschichte des Pietismus, 3 vol.,
Bonn, 1880-1886.
35. Pierre Deghaye, ouvr. cité, p. 480.
36. Ibid., p. 485.
37. Ibid., p. 284.
38. Au sujet de la traduction de la Bible par Luther comme acte fondateur de la littérature allemande,
voir Antoine Bermann, L'épreuve de l'étranger, Gallimard, «Tel», 1984, p. 43-60.
39. Voir HKA, II, p. 563 : «Tout est semence».
40. HKA, I, p. 179; II, p. 620. Novalis écrit geistige Meinung. Il souligne Meinung pour y faire
entendre mein, l'adjectif possessif, et donne ainsi au mot, qui a un sens abstrait (opinion, avis) un sens phy
sique d'appropriation. Le fragment cité est à relier avec le septième cantique spirituel, HKA, I, p. 167 :
«Qui a reconnu dans le corps terrestre / Un sens supérieur? / Qui peut dire, / Qu'il comprend le sang? / Un
jour tout sera corps, / Un corps, / Dans le sang céleste / Nage le couple bienheureux».
la matière dans les Discours sur la religion de Schleiermacher qui parle du médiateur en ces termes :
«Un tel homme est un véritable prêtre du Très-Haut, qu'il rend plus accessible à ceux qui ne sont habitués
à saisir que le fini et sa valeur minime; il leur présente les choses célestes et éternelles comme des objets
de jouissance et de communion, comme la seule source inépuisable de ce vers quoi tend toute leur aspira
tionsu périeure. Il vise ainsi à éveiller le germe somnolent de la meilleure humanité, à allumer l'amour du
Très-Haut, à transformer la vie ordinaire en une vie plus haute, à réconcilier les fils de la terre avec le ciel,
qui leur appartient, et à contrebalancer l'attachement à la grossièreté de la matière qui alourdit notre
époque». Nous soulignons. Trad. I.-J. Rouge, 1944, p. 125.
42. HKA, III, p. 565.
43. I. Kasperowski (ouvr. cité, p. 114) cite une traduction allemande du texte de Gibbon (qu'a pu utili
ser Novalis), dont nous traduisons ainsi un passage : «La doctrine des sages grecs et romains concernant
l'immortalité de l'âme ne provoqua qu'un faible espoir, ou tout au plus le sentiment qu'une vie future était
probable; en revanche, la religion populaire des Grecs et des Romains n'était pas capable de corroborer
cette doctrine sublime». Geschichte des Verfalls und Untergangs des Rômischen Reiches, trad, de Giinther
Karl Friedrich Seidel, vol. I, Berlin, 1790, p. 247.
44. Voir I. Kasperowski, ouvr. cité, p. 114-115.
45. Die Erziehung des Menschengeschlechts, § 58, Stuttgart, Reclam, 1965, p. 21. Voir HKA, III,
p. 669, 682. Voir également J. G. Fichte, Sur les intentions de la mort de Jésus (1786), dans Philosophie,
17, 1987, p. 8-30. «Mais que Jésus mourût, qu'il fût ensuite ressuscité, alors les préjugés étaient détruits à
leur fondement, la mission divine de Jésus était incontestablement prouvée, les coeurs des apôtres étaient
subitement éclairés, et toute la semence, qui se trouvait en eux, germait» (p. 9).
46. Les Hymnes à la nuit furent publiés dans YAthenàum en septembre 1800.
47. HKA, I, p. 141, 143.
48. Ibid., p. 141.
49. Ibid., id.
50. Ibid., p. 144.
51. HKA, I, p. 364.
52. Voir HKA, II, p. 647 : «Qu'est-ce qui est au-delà de la viel - Le service de la vie comme service
de la lumière».
53. HKA, I, p. 147. Nous soulignons.
54. Ibid.
55. Ibid., p. 149.56. Gibbon, cité par I. Kasperowski, ouvr. cité, p. 119.
57. HKA, III, p. 579.
58. Cité par I. Kasperowski, ouvr. cité, p. 119. Ajoutons que le christianisme des barbares est aussi une
nouvelle forme de christianisme, puisque produit de deux facteurs.
59. Il semble que dans le style même des Hymnes à la nuit, l'idée d'une «écriture sérielle» soit expér
imentée par Novalis. L'usage du tiret est particulièrement révélateur selon nous de ce projet : Nur wenig
Tage hing ein tiefer Schleyer iiber das brausende Meer, u'ber das bebende Land - unzàhlige Thrànen weinten
die Geliebten - Entsiegelt ward das Geheimnifi - himmlische Geister hoben den uralten Stein vom
dunklen Grabe. HKA, I, p. 149. Dans la série se déroule un ensemble d'opérations qui transforment les él
éments de la série.
60. HKA, p. 133, 135.
61. HKA, II, p. 346. Sur le dépassement de la logique binaire, voir notre thèse : Les plis de la terre.
Système minéralogique et cosmologie chez Friedrich von Hardenberg (Novalis), Université de Paris VIII,
1997, 338 p., à paraître en 1998 chez L'Harmattan.
62. Voir Daniel Lancereau, «État esthétique, État poétique, État rationnel. Pouvoir et idéalisme
magique chez Novalis (Friedrich von Hardenberg)», dans Jean-Christophe Goddard et Bernard Mabille
(éd.), Le pouvoir, Vrin, 1994, p. 178-187.
63. HKA, II, p. 605; III, p. 315, 385, 430. Sur l'inversion, voir Manfred Frank et Gerhard Kurz, Ordo
inversus. Zu einer Reflexionsfigur bei Novalis, Holderlin, Kleist und Kafka, dans Geist und Zeichen (hrsg.
von Herbert Anton, Bernhard Gajek et Peter Pfaff), Heidelberg, 1977, p. 75-80. Sur l'idéalisme magique,
voir Manfred Frank, «Die Philosophie des sogenannten "magischen Idealismus" », dans Euphorion 63
(1969), p. 88-116
64. HKA, III, p. 62.
65. Ibid.


mercredi 28 juillet 2010

She makes it clear / The shadows of the trees

Front 242

Operating tracks




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